Campagne électorale : Droite, Droite extrême, Extrême-Droite…
Le Wall Street Journal le surnomme « Nicolas Le Pen », un député de la droite libérale du Parlement européen – Guy Verhofstadt, qui a été Premier ministre de la Belgique de 1999 à 2008 - se demande publiquement « qui est le candidat de l’extrême droite en France, Le Pen ou Sarkozy ? ». Ces réactions traduisent bien le malaise qui s’empare d’une fraction de la bourgeoisie en Europe et aux Etats-Unis devant la droitisation appuyée de la campagne du président-candidat français et de ses proches.
Sarkozy à la recherche des lepénistes perdus
Il est vrai qu’ils n’ont pas ménagé leur peine pour tenter de récupérer une partie de l’électorat frontiste. En un mois, on a eu droit d’abord à la sortie de Claude Guéant sur l’inégalité des civilisations : il fallait comprendre, au choix, l’inégalité des races ou le choc des civilisations cher à la droite Républicaine américaine, soit les deux ! Puis ce fut la reprise et l’extension du fumeux débat sur la viande halal, initié par Marine Le Pen (lors de la « convention présidentielle » du FN à Lille mi-février), puis relayé par Guéant, Sarkozy et François Fillon, ce dernier réussissant à se mettre à dos les représentants des autorités religieuses musulmanes et juives en France. Dans ces mêmes registres antimusulmans et anti-immigrés, Sarkozy continua sur sa lancée en expliquant à la télévision (le 06 mars) qu’« il y a trop d’étrangers sur notre territoire », qu’« il fallait deux fois moins d’immigrés et que le RSA et le minimum-vieillesse devaient être conditionnés pour les immigrés à un certain temps de présence sur le territoire. Parallèlement, il faisait voter fin février au Parlement une loi rétablissant la double peine pour les délinquants étrangers. Le point d’orgue de tout ce fatras xénophobe fut son discours à Villepinte du 11 mars, où il exigea la renégociation des accords de Schengen qui garantissent la libre circulation des personnes en Europe.
L’autre cible fut les chômeurs-tricheurs : après avoir repris à son compte les diatribes du FN sur « les cartes-vitale en surnombre », qu’il faudrait donc numériser, il proposa (dans le « Figaro-Magazine » du 11 février puis à plusieurs reprises ensuite) un référendum contre l’assistanat qui imposerait des heures de travaux d’intérêt général aux demandeurs d’emploi… à défaut de leur proposer un vrai travail ! Et enfin, confronté à des manifestations de rue à Bayonne, auxquelles il n’était plus habitué, le 1er mars, il a fustigé les manifestants « voyous » et, bombant le torse, a certifié que la République ne supportait pas la lutte des classes…
Ce pillage systématique de la rhétorique de l’extrême droite (saupoudrée de quelques propositions picorées dans les programmes des partis de gauche) témoigne de la panique qui s’est emparée du clan sarkozyste et de sa volonté de siphonner une deuxième fois la partie populaire de l’électorat du FN. Mais au-delà de ces calculs tacticiens, ce durcissement idéologique ne sera pas sans conséquences sur les recompositions après l’élection présidentielle et sur les dérives possibles d’une partie de l’UMP vers des alliances avec le FN pour « sauver les meubles » aux législatives qui suivront.
Le Pen, fille et père
Et pendant ce temps-là, le FN a fait monter la dramaturgie sur la question des 500 signatures d’élus (notamment maires), nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle. Cette bataille « démocratique » a eu l’avantage pour ce parti de se présenter une fois de plus comme la victime du « système UMPS ». En même temps, dans ce type de posture, les soi-disant idées neuves de la candidate « dédiabolisée » ont eu tendance à passer à la trappe médiatique. Le seul élément « nouveau » qu’elle a martelé est son opposition de plus en plus franche au remboursement de l’IVG, osant parler d’« avortements de confort » ou de « contraception de substitution », s’opposant ainsi à un précieux acquis des femmes dans leur combat pour leur émancipation. C’est sans doute pour pallier à ce brouillage médiatique que la direction du FN a décidé de faire remonter Jean-Marie Le Pen… au front, et à enfoncer le clou sur les fondamentaux. Ainsi on a eu droit, au fil de ses interventions, à une citation de Robert Brasillach (lors de la « convention présidentielle » du FN à Lille) ; une autre de Benito Mussolini (dans « Le journal de JMLP » sur le site du parti) ; à l’aveu d’une rencontre avec l’ancien chef politico-militaire des Serbes de Bosnie co-responsable de massacres dans les années 1990 ; et, sans doute pour rattraper l’erreur de sa fille qui refusa de débattre avec Jean-Luc Mélenchon, à une sortie particulièrement viriliste sur la défense de sa fille, en promettant au leader du Front de Gauche de lui « baisser le caleçon » dans un prochain débat entre eux…
Pour le moment, dans ce match dans les égouts, les sondages donnent un avantage net à Nicolas Sarkozy sur Marine Le Pen ; mais la qualification de la candidate frontiste pour le premier tour, avec l’obtention des 500 signatures, peut bien sûr rebattre les cartes.
Tensions sociales en France et dans toute l’Europe
Mais au-delà de ces petits calculs électoraux, nous, syndicalistes antifascistes, savons que cette course à l’échalote entre la droite dure et l’extrême droite est aussi en rapport avec les tensions sociales qui montent dans le pays et dans toute l’Europe et avec les moyens politiques que voudrait se donner le patronat pour y faire face.
Les plans de licenciement et de fermeture de sites de production, des dizaines de « Lejaby », se multiplient même si les ministères font pression sur certains patrons pour que les annonces soient reportées après la séquence électorale. La contestation de ces plans par les salariés a acquis parallèlement plus de visibilité, ceux-ci sommant à juste titre les candidats, et en premier lieu le « candidat sortant », de prendre position. Et bien peu font confiance au Président des riches pour solutionner des problèmes nés d’une crise qu’il a largement contribué à aggraver en France et dans toute l’Europe. Cette Europe de l’austérité que Sarkozy-Merkel, en bons petits soldats du Capital, ont façonnée et qui, malgré tous les plans imposés, se rebiffe et résiste.
En Grèce d’abord où, malgré une offensive sans précédent des marchés financiers, des dirigeants européens et du gouvernement d’union nationale grec incluant jusqu’à très récemment l’extrême droite, la contestation populaire est toujours bien là et ne manquera pas d’éjecter les députés sortants lors des prochaines législatives prévues fin avril.
En Espagne, où, après les élections de novembre 2011, il n’y a aucun état de grâce pour le nouveau gouvernement de droite. A titre de preuve, les très importantes manifestations dans la province de Valence à la mi-février, durement réprimées par la police.
En Belgique, un événement témoigne de cette radicalisation des conflits et de la tentation chez certains de trouver des méthodes musclées pour les résoudre. Les ouvriers d’un site d’une entreprise allemande, Meister, sous-traitant pour l’industrie automobile, en lutte contre une tentative de délocalisation, occupaient l’usine. La direction du groupe envoya une vingtaine d’hommes, armés de battes de base-ball et équipés de gilets pare-balles, pour « nettoyer » l’usine. Comme l’écrit le correspondant du Monde en Belgique, « peut-être pas des néo-nazis, mais au moins des néo-nervis ». Ils furent arrêtés par les ouvriers en grève et remis à la police belge qui… les relâcha promptement. Cette histoire fit grand bruit jusqu’au parlement et au gouvernement belges, et une information judiciaire a été ouverte.
Les tentations mortifères
Un article de Philippe Askenazy dans le Monde de l’Economie du 27 février 2012, titré « A quoi sert l’extrême droite ? » répond assez bien à cette interrogation, à travers l’examen des différentes participations gouvernementales de ces partis (ou situations de soutien extérieur à des gouvernements, s’inscrivant dans une majorité parlementaire). Il y a eu, ces dernières années, l’expérience des coalitions en Autriche de 2000 à 2006, au Pays-Bas depuis juin 2010, au Danemark de 2001 jusqu’à septembre 2011 et en Grèce en 2011/12. Jouer les béquilles utiles à des gouvernements mettant en œuvre des politiques d’austérité, cela a un intérêt non négligeable pour une extrême droite en quête de respectabilité ; même si, et c’est bien son dilemme, à l’heure des comptes électoraux, cette tactique peut lui faire perdre une partie de son électorat populaire. En même temps, une fraction du patronat et de la droite peut penser tirer profit de ce flirt avec ces forces politiques qui divisent le camp populaire en faisant des immigrés des boucs émissaires.
Revenant à la situation française, l’article ci-dessus cité se termine ainsi : « Retour en France. Pas besoin de l’extrême droite pour cibler les immigrés, traquer la burqa, ou faire craindre un retour aux années sombres de l’Europe. Nous avons déjà des ministres de l’Intérieur fort zélés. Mais dans une période où l’on peut douter de la dynamique de la droite ,classique’, on comprend l’intérêt de plus en plus de patrons français pour la montée du Front National, patrons déjà intrigués par les projets de créer des syndicats FN, potentielles prémices de syndicats verticaux. Laurence Parisot, la présidente du Medef, l’organisation patronale, a voulu tuer dans l’œuf cette attraction en courant, cet automne, les médias avec son ouvrage contre le programme de Marine Le Pen […]. Las, le mouvement patronal Ethic (sic) - celui qui lance chaque année la douteuse journée ,j’aime ma boîte’ -a fait salle comble fin janvier lorsqu’il a reçu Marine Le Pen sous des applaudissements nourris. Des images que n’ont pas pu voir ses électeurs. »
Nous rajouterons à ce tableau éloquent que le mouvement Ethic, dont le sigle signifie « Entreprises de Taille Humaine Indépendantes et de Croissance », s’était fait remarquer paradoxalement au printemps 2010 en se déclarant favorable à la régularisation des travailleurs sans-papiers. Cela ne l’empêche pas de considérer visiblement que Marine Le Pen est une candidate comme les autres que l’on peut inviter à discourir sur son programme électoral, en évitant de lui poser des questions qui fâchent. (Cf. le PDF de cette réunion sur le site d’Ethic)
Cette complaisance vis-à-vis du FN, cette question des alliances à venir à la droite de la droite, c’est aussi l’un des enjeux de la présidentielle, au-delà de la défaite nécessaire du président antisocial sortant. Le mouvement syndical, par sa dénonciation ferme de l’idéologie véhiculée par l’extrême droite et par la droite « lepénisable », doit prendre toute sa place pour contribuer à faire capoter ces recompositions mortifères.
VISA 14/03/2012
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Il faut veiller à ce que le combat contre l'extrême droite ne passe pas après les luttes syndicales au prétexte qu'elle a été battue aux présidentielles et qu'elle n'a obtenue «que» 9 députés.
Il faut continuer de lutter, sans relâche et avec la même force, contre les politiques libérales, notre adversaire qui fait aussi monter le FN, et contre le fascisme, notre ennemi historique.